retour. page précédente

Paul Fort (1872-1960), "prince des poètes" fut vacancier à Nargis vers 1900.
    

A la bibliothèque Durzy de Montargis un petit recueil d'environ 150 pages est intitulé :

Paul Fort (Ballades françaises XIIème série)

L' Aventure éternelle, livre 1er, suivie de " en Gâtinais "Paris - Collection de " Vers et Prose". Eugène Figuière, éditeur, 7 rue Corneille MCMXI" (1).

Ce recueil traite entre autres choses, de Nargis; je retrace ici le poème qui se rapporte aux "accélérés" et à leur moyen de traction

 


SERVICE ACCELERE (canal du Loing à Nargis)

   Sur le ventre rond des chalands - de ces dormeurs invétérés - que lit-on? "Service un peu lent ?" Non pas : "Service accéléré".

    Ce doit être un bonheur d'y croire, mais il ne faut point aller voir d'où se tire cette assurance .- Mulets d'Espagne, ânes de France,
    vous qui tirez par la ficelle, attachée au mât, les chalands, avouez que la vie est belle que l'on passe à deux en halant.

    Ici l'âne broute un chardon. Voire il reluque une hirondelle. "C'est moi qui tire la ficelle. Accélérons, accélérons "
    dit-il au mulet son compère qui tire à son tour, puis s'arrête pour démoucheronner sa tête. "C'est moi, mon fils, que j'accélère",
    dit-il à l'âne en son jargon. Sur quoi notre âne s'agenouille pour voir de près une grenouille, et le mulet, plus franc garçon,
    lui rue au derrière et lui dit: " Allons baudet, accélérons, ou jamais nous n'arriverons la semaine des quatre jeudis."

    Rien ne peut que vous ne broutiez, du clair de l'aube au clair de lune, serait-ce, en pleurant, la Fortune apparue sous les peupliers,
    mulets d'Espagne, ânes de France; et que vous fait la cargaison? Avez-vous ouï dire à un ange:" La coque est pleine de chardons ? "

    Tuiles, charbon, galets ou vase, sont marchandises de repos. - "S'il nous faut être des Pégases, qu'on nous plante une voile au dos!"

    Mais pourquoi cette confidence, - l'homme, - service accéléré? Ta femme, belle d'indolence, dort près du géranium pourpré.

    Aussi bien la vie n'est qu'un songe, les chalands, eux-mêmes, un mensonge, tant et si bien, que, sans voir trouble, sur le canal, je les vois double.

    Et c'est peut-être pour cela que l'âne et le mulet refusent d'en traîner deux pour un vers la dix-sept cent vingt septième écluse.


    Je ne sais - dont je me console, chalands, puisque la vie est folle -O donner du somme aéré de ces songeurs invétérés.

 

Nargis - Moulin de Nançay

Nargis - Moulin de Nançay

 

 

page suivante

(1)Référence L 3014 Bibliothèque Durzy