1684 à 1689: les marguilliers de la paroisse de Burcy paient cinq sols au porte croix pour la procession à Beaune, de même en 1685, 8 sols en 1688-1689 (1).
1701: les marguilliers de la paroisse de Burcy paient tant pour la dépense du clergé que pour les porte-croix et bannière pour deux années du tour de la châsse de saint Mathurin de Larchant et pour le porte croix à la procession de Beaune, sept livres dix sols. En marge l'archidiacre qui examinait les comptes, nota: "Alloué et deffense d'aller a aucunes processions extraordinaires mesme d'envoyer leur croix aux processions de Larchant extraordinaires sans le consentement de Monseigneur l'Archevesque ou de Messieurs ses grands vicaires".
Cette observation rappelle les troubles qui, dès le début du 17e siècle, se produisirent à l'occasion de la grande procession des reliques de saint Mathurin dite "Le tour de la châsse", qui parcourait tous les environs de Larchant. A plusieurs reprises, les archevêques de Sens durent interdire ces processions sauf permission exceptionnelle. En fait, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, ces permissions semblent avoir été accordées assez largement. Le rédacteur du nouvel Office de Saint Pipe le signale dans sa préface:
"Les permissions que les Archevêques de Sens donnent tous les jours aux paroisses plus éloignées de Beaune que les statuts ne le permettent, pour venir dans le temps de sècheresse implorer la miséricorde de Dieu par les prières de saint Pipe prouvent cette tradition non interrompue jusqu'à nous, non seulement du consentement des évêques diocésains pour le culte de saint Pipe mais même de leur zèle et de leur piété dans ce qui regarde l'honneur et la vénération des reliques. On sait quelle foule de processions abordent au tombeau de notre saint dans les temps de sècheresse et on éprouve souvent dans ces jours d'affliction les effets de sa puissante intercession".
L'interdiction des archevêques de Sens visait surtout Larchant et il ne semble pas que les processions à Beaune ou à la fontaine Saint-Pipe, aient donné lieu à une interdiction semblable mais il est certain qu'à partir du 17e siècle le culte de saint Mathurin ne fit que de décroître. En raison des liens religieux qui existaient depuis longtemps, semble-t-il entre Beaune et Larchant, le déclin religieux de l'une des deux villes ne put qu'avoir de fâcheuses conséquences pour l'autre. Beaune vit cependant encore tout au long du 18e siècle de grandes processions.
1719: "le sixième de juin 1719 nous avons esté en procession avec nos reliques solennellement à Beaulne conjoinctement avec la châsse de saint Mathurin de Larchant pour avoir de la pluye car il y avait trois mois qu'il n'avoit plut, on ne pouvoit plus labourer on avoit pas fait moitié des avoines, ny dorge du tout et ce qui étoit semé ne pouvait lever de terre ny profiter nous entrames ensemble avec ceux de Larchamps et fumes reçus par le clergé et les reliques de Beaulne hors la ville solemnellement en chapes ou il y avoit bien quinze processions, nous partîmes vers minuit d'Aufferville par le Pairé et Chauffours, arrivames aux environs de Beaulne à midy, pour se trouver à la fontaine saint Pipe à deux heures puis chacun se sépara avec les cérémonies ordinaires. Nous vinmes par Egry, par Auxy, par Beaumont , Gironville et Arville nous arrivames à 10 heures du soir. Il plut un peu et il tomba de l'eaue surtout à Egry, Auxy et Beaulmont et un peu icy. Il faisait une chaleur extreme, le bled valait 8 livres. Le froment, l'orge 4, l'avoine 5, le bled noir 12".(Registres paroissiaux d'Aufferville).
1722: Autorisation donnée par Monseigneur Denis François Bouthillier de Chavigny, archevêque de Sens, de faire des processions de Beaune à Larchant pour avoir de la pluie (2).
1729-1731: Les marguilliers de la paroisse de Burcy paient 14 livres 18 sols pour les processions tant de Larchant que de Beaune.
1740: "Depuis le jour de Saint Sébastien (7 juin) le reste de l'année il fit très sec. Toute la province alla en procession pour avoir de l'eau, Puiseaux alla à Nemours, Beaune à Larchant et Larchant à Beaune ainsi des autres paroisses" (registres paroissiaux d'Echilleuses).
1785: Le 21 mai, vingt-deux paroisses et huit mille pèlerins vont de Larchant à Beaune en procession. Le 22, "la ville de Puiseaux aussi en procession, avec toutes les reliques et le clergé en chape a été au-devant jusqu'à la Croix Saint Jacques. Cette procession de Larchant à Beaune, a été demandée à Monseigneur l'Archevêque qui l'a permise en considération des anciennes processions de Larchant à Beaune et de Beaune à Larchant"(3).
1790: Le 25 juin, Jean-Pierre Bernard de Larchant note sur son livre d'office que les paroisses de Beaune et de Juranville sont venues en procession demander la pluie. Un procès-verbal ajoute: "Messieurs de la ville de Beaune étant arrivés à Larchant ont déposé la chasse de saint Pipe à côté de celle de saint Mathurin". D'après un office conservé à Beaune, sont en même temps venues dans cette dernière ville: Juranville, Saint-Loup, Moulon, Gaubertin, Boynes, Boesses, Echilleuses, Grangermont, La Neuville, Barville, Givraines, Mézières, Bordeaux, Mignerette, Aufferville et Puiseaux.
1793: Sur un office de saint Pipe, conservé à Beaune, on lit: "L'an deuxiesme de la République, le 1er juin 1793, il nous est arrivé la procession de Larchant accompagnée de onze bannières et de onze croix. Nous les avons mené à la fontaine du bienheureux saint Pipe".
Pour le 19e siècle nous n'avons guère de renseignements. Le témoignage de l'abbé Cochard en 1874 mérite cependant d'être cité: " Aux processions des Rogations, on se rend à la croix de saint Pipe, qui s'élève dans le hameau de La Leu, où il naquit, dit-on, et là par trois fois son nom est invoqué. Toute l'année de nombreux pèlerins se succèdent à l'église pour se faire dire des évangiles: mais c'est surtout dans les temps de sècheresse que sa protection est publiquement sollicitée..."(4).
Des vieillards de Beaune, morts entre les deux guerres de 1914 et de 1939, se souvenaient que l'une des dernières processions avait eu lieu en 1871 et qu'elle avait, paraît-il, été suivie d'une pluie abondante témoignage de l'abbé Leduc).
Bien d'autres processions sans doute eurent lieu et ont pu se trouver mentionner ça et là, notamment dans les registres paroissiaux. La plupart probablement n'ont laissé aucune trace écrite. Il serait vain de vouloir établir une liste complète. Celle qui précède suffit à décrire ces processions et à montrer l'importance qu'elles eurent, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, dans la vie religieuse locale.
Depuis une douzaine d'années, un effort louable a été fait par l'actuel desservant de la paroisse, M. le chanoine Delahais, pour que les habitants de Beaune célèbrent dignement chaque année la fête du vieux protecteur de leur cité. Le culte de saint Pipe est d'ailleurs reconnu comme suffisamment établi par les nouveaux textes liturgiques et le saint figure en tête de la liste des confesseurs à la Ve leçon de Fête de tous les saints du diocèse, le 1er août.
La fontaine existe toujours dans un champ près de Barville. Son eau luit au fond d'une ancienne vasque de maçonnerie qui ne dépasse pas le sol et que cachent les herbes folles. Rien ne signale que des foules innombrables vinrent pendant des siècles en ce lieu. Il serait souhaitable de le rappeler par un modeste monument.

 


(1) Comptes de la fabrique de Burcy.
(2) Thoison, Saint Mathurin p.312.
(3) Ibid p.310.
(4) Annales religieuses et littéraires d'Orléans, 21 octobre 1874.