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    En 1868, Monsieur Lemesle déclarait qu'il était propriétaire du moulin depuis cinquante ans(1). Les procédés dans la poursuite de ses desseins ne varièrent jamais. En 1844, 1858, 1868, il emploie la même méthode vis-à-vis de l'administration, qu'elle fût celle des canaux d'Orléans ou celle des Ponts et Chaussées.
   
    A l'origine de tout pourparler, il se montre très courtois, largement conciliant et prêt à accepter toutes les concessions qui pourraient lui être proposées. Ces concessions, dans son esprit, forment une sorte de monnaie d'échange destinée à fournir la contrepartie d'avantages qu'il entend retirer des opérations envisagées. Mais ces concessions de sa part portent ordinairement sur des objets très secondaires et il entend, sur l'essentiel - la source d'énergie de son moulin - maintenir la rigueur de ses droits et, en pratique, dans l'usage de ses droits, les exploiter dans la plus ample mesure possible.

    En face de lui, se trouvent des hommes qui, malgré leur désir manifeste de conciliation, sont tenus, dans la nécessité de sauvegarder la sécurité et la facilité de la navigation, d'établir des limites raisonnables aux entreprises qu'il a conçues.

    Monsieur Lemesle interprète aussitôt les mesures qui lui sont proposées comme des marques d'obstruction systématique, tatillonnes et méthodiquement préconçues. Voyant qu'il ne lui est pas possible dans ces conditions, d'obtenir la totalité de ses prétentions, telles qu'il les a établies, il rompt les pourparlers, retire ses demandes et promesses, se déclare alors libre des engagements qu'il a pris, et renonçant apparemment à tout ce qu'il avait d'abord sollicité, attend des circonstances plus favorables pour reprendre, avec plus de chances de succès, espère-t'-il, la réalisation de ses projets.

    En 1844, il se heurte à Monsieur Rouxel, Administrateur Général de la Compagnie des canaux et du Loing, et rompt avec lui en termes orageux(2). Monsieur Rouxel meurt en 1848. Son successeur, Monsieur Rodiez apparaît moins intraitable. Monsieur Lemesle revient à la charge en 1855 sans réussite.

    De 1863 à 1868, il semble avoir agi librement et sans contradiction. En 1868 et 1869, il entre en lutte ouverte avec les Ponts et Chaussées au sujet de l'avant-projet d'amélioration du canal. Il préside la première commission d'enquête appelée à se prononcer sur ce projet et fait rejeter le projet d'aménagement du nouveau tirant d'eau par exhaussement du plan d'eau.
   
    L'administration préfectorale l'évince, en nommant, en 1869 une nouvelle commission, qui aura à se prononcer sur le même sujet. Il arrive à convaincre la majorité des nouveaux commissaires de l'exactitude de son point de vue, et les amène à adopter les mêmes conclusions que lui-même.

    Mais alors, les ingénieurs éliminent habilement son intervention et son opposition trop directement et trop manifestement intéressées, en modifiant complètement leur avant-projet et en décidant de séparer la racle du canal.

    Dès lors, le moulin n'est plus lié au canal. Il devient, comme tant d'autres moulins, une usine relevant du service hydraulique de la rivière du Loing. Mais en conséquence, le réservoir d'eau dans lequel il doit puiser désormais, est diminué considérablement.
    Ses prétentions peuvent dès lors être discutées avec plus de sérénité, car le conflit, toujours possible antérieurement, entre le moulin et le canal est définitivement écarté, le canal et l'usine s'alimentant dès lors, chacun immédiatement par des voies indépendantes séparées et parallèles, qui n'ont plus rien de commun.


Le puits du château de Toury

Le puits du château de Toury de Jean Thomas Lemesle
dans lequel arrivaient 400 m3 d'eau prélevés chaque jour dans la rivière du Loing

 

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(1) Monsieur Jean Thomas Lemesle est né à Moristown - New Jersey- aux Etats-Unis le 11 décembre 1802 et décédé à Chambon (Loir et Cher) le 20 janvier 1881. Son tombeau est dans la crypte de l'église de Nargis, à côté de celui de son épouse Elisabeth d'Arcy. Y est mentionné "Il a vécu dans ce pays faisant le bien".

(2) Lemesle avant d'être propriétaire exerçait les fonctions de juge de paix à Nargis. Maire de 1830 à 1840, puis de 1843 à 1844, il fut conseiller général nommé du canton de Ferrières en 1831 sous la monarchie de juillet, puis conseiller élu du 27/11/1833 au 4/12/1842.