Alors commença le travail, un travail forcené de 4 ans, car nous étions 40 en classe de 4e et il ne devait plus en rester que 25 dans deux ans, à l'entrée en 2e. De sorte que chaque composition trimestrielle devenait une course éliminatoire, les derniers étant irrémédiablement exclus, renvoyés dans les autres écoles militaires préparatoires, en Primaire Supérieur, pour y préparer le Brevet simple et fournir ensuite le recrutement des sous-officiers. Elimination impitoyable et de fait, deux ans plus tard, nous étions bien 25 en 2e A.


A ce stade (en seconde) nous étions complétés par une autre classe : la 2e B(1); tous les élèves, de toutes les écoles militaires reçus au Brevet se mesuraient dans un concours unique d'où sortaient 25 élus supplémentaires, admis à s'intégrer au Cours Secondaire d'Autun !
Tout ceci parce que, par dérogation spéciale, tous les ans, 50 bacheliers, issus des Ecoles d'Enfants de Troupe, étaient admis à suivre les cours du Prytanée Militaire de La Flèche (réservé en principe aux fils d'officiers) pour y préparer la 2e partie du baccalauréat nécessaire à la candidature aux Concours d'entrée aux différentes Ecoles Militaires Supérieures (St Cyr - Ecole de l'Air - Ecole Navale - et même Ecole Normale Supérieure... et le grand rêve... Polytechnique !)


Encore une année de travail ! La sélection fut telle que pour être admis en Préparatoire Médecine (10 places !), l'école exige la 2e partie du Bac en juillet... section mathématiques... obligatoirement.
J'ai eu mon Bac en juillet, contre toute attente en raison de mes notes en maths et, en octobre je me retrouvais à Lyon pour y préparer le P.C.B. (Certificat de Physique, Chimie, et Biologie)... avant le Concours d'Entrée à l'Ecole (20 places pour 1 200 candidats potentiels).
Le P.C.B. fut presque une formalité... j'avais trouvé ma voie, je travaillais et tout me réussissait.


Voici le Concours d'Entrée, deux jours d'examens écrits. Résultat, je suis admissible dans les 5 premiers. Je travaille pendant toutes les grandes vacances en vue de l'oral en septembre... et c'est la chute brutale, la catastrophe... le trou noir devant le tableau et la mine atterrée des examinateurs : je ne sais plus rien, mes mots s'embrouillent et je me retrouve 50e au classement général. Je n'ai donc plus aucune chance d'être admis et je rentre "à la maison" aussi "honteux qu'un renard qu'une poule aurait pris"...


Un nouveau miracle : je suis autorisé par dérogation spéciale, en raison des résultats "fumants" obtenus au P.C.B. à entrer à la Section Préparatoire. J'y ferai ma première année de médecine et, à la fin de l'année, tenterai ma chance au Concours, celui-ci étant organisé de façon différente chaque année en fonction du nombre des candidats. J'y rejoindrai mes 8 camarades reçus, le 9e ayant abandonné pour raisons de santé.


Après une nouvelle année de transes, me revoici, en juillet 1939, au Concours. J'attends les résultats... et c'est la mobilisation générale du 2 août 1939. Je rejoins la Caserne Mortier à Paris pour être incorporé dans une Section d'Infirmiers... La guerre, après la malchance, m'éloigne de mon idéal... Mais la chance revient enfin : résultats du Concours de Lyon : je suis admis ! Je pars donc pour Lyon car on a décidé de nous transformer, dans les délais les plus rapides, en "Médecins Auxiliaires", sortes d'internes ayant le grade d'adjudant et n'étant donc pas officiers, destinés en priorité, au niveau de chaque bataillon, à donner les premiers soins au front et à organiser l'évacuation sur les hôpitaux de l'arrière. Mais pour cela, il faut être titulaire de deux années de Médecine... au moins ! Cette seconde année de médecine fut quelque peu écourtée dans le temps, mais la quantité de travail effectué compensait les quelques mois gagnés : nous étions tous prêts à notre rôle de médecin de bataillon... Et je me retrouve en 1940, un petit galon argenté sur la manche à la gare régulatrice d'Amiens (gare permettant un accès à tous les points du front dans une zone donnée), y attendant une affectation "quelque part" sur le front.


Puis ce fut le 10 mai 1940 et l'enfoncement du front par les Allemands. Nous étions toujours à Amiens... et sous les bombes nous battons en retraite : Rouen, Louviers, Sées, Vannes... enfin Ste Anne D'Auray, en Bretagne, où les Allemands nous rejoignent, nous capturent et nous distribuent dans les divers camps de prisonniers.
 


(1) Simple classification sans signification particulière, si ce n'est l'origine des élèves : A issus du secondaire et B issus du primaire supérieur.