Wanda SOCHACZEWSKA

 

Lutgarda Marie Clémentine Wanda Sochaczewska naît à Poitiers le 29 novembre 1856. Elle est la cinquième enfant de François Salezy Polycarpe Sochaczewski. A 25 ans, sa destinée croise le chemin de Charles René Moreau médecin à Chatellerault originaire de Manthelan en Indre-et-Loire, où il est né le 31 octobre 1830. « Charles Moreau était veuf. En premières noces il avait épousé Marie Juliette Charpentier, fille d'un manufacturier de Normandie (1). Elle était dit-on, fort riche, et aurait apporté une grosse dot ». Elle était née aux Ormes dans la Vienne. Agée de 42  ans, elle décède le 19 juillet  1880 (2).

 

« En secondes noces, il épouse donc Wanda Sochaczewska. Elle est plus jeune de 26 ans. Ils se marient le 21 février 1881 à la mairie de Chatellerault, ville qui n était pas inconnue pour Wanda. Sa mère Léontine Sochaczewska y avait demeuré en 1870 au lieu-dit la Foucaudière, endroit où elle se fait adresser des subsides par la Préfecture de la Vienne. Sont présentes lors de cet heureux événement qui voit entrer la jeune Wanda dans une famille aisée, Mesdames Marie Modeste Henriette  Robin  veuve de feu René Ours Charles Moreau, mère du  futur, propriétaire à Chatellerault, et Léontine Aristide Aglaé Mauduyt veuve de François Sochaczewski, domiciliée pour l'heure à Saint Georges d'Oléron en Charente dite inférieure, mère de la future. Assistent en qualité de témoins au mariage, Louis Narcisse Laurenceau, propriétaire à Chatellerault ami du contractant, Charles Boucher 25 ans, licencié en droit neveu du contractant et du côté de Wanda, Joseph Alexandre Napoléon Jablonski, ancien officier de l'armée polonaise, médecin départemental des Deux-Sèvres domicilié dans ce département à Celles sur Belle et Pierre Joseph Théolide Mauduyt, pharmacien, professeur à l'école de médecine et de pharmacie domicilié à Poitiers.

 

            « Le couple habite Chatellerault, au 9 rue du Cognet (3). Quatre enfants vont naître de cette  union: François moine bénédictin(4), Pierre ( auteur de notre lignée Moreau), Magdeleine religieuse au Sacré-coeur, et Renée. Ces enfants furent des hommes et des femmes de caractère(5) ; ils avaient de qui tenir ».

« Wanda sut les forger. Ils avaient pour elle une tendresse touchante, non exempte de crainte,  n'ayant eu de cesse, quand elle est devenue vieille et impotente, de la prendre chez eux, pour s'apercevoir, au bout de quelques semaines,  qu'elle était... invivable » . Ses petits-enfants l'appelaient « Granny ». Vers 1920, « elle était en fauteuil roulant (6). Elle était toujours vêtue de noir avec une résille, sorte de petit filet dont on s'entourait les cheveux. Bien  qu'en fauteuil elle se tenait toujours droite. Je ne me souviens pas  l'avoir jamais vu rire. En vieillissant, sa superbe  n'était plus la même. Elle faisait des gaffes épouvantables. Lorsque Papa (Pierre Moreau) a été nommé à Auxerre, il a voulu lui faire profiter de cet immense logement que nous avions. Elle est venue occuper une chambre à côté de la salle à manger. Nous étions dix personnes. Maman (Marie-Louise Rollet) bien sûr ne pouvait assumer seule le gros travail. Elle prenait donc  quelqu'un qui venait toute la journée. Mais Granny était tellement odieuse que le personnel se succédait à une vitesse -grand V- ».

« Peu de temps après notre arrivée mes parents ont voulu recevoir le sous-directeur et son épouse. Granny était à  la droite de ce Monsieur. Pendant tout le repas, elle mettait tout ce  qu'elle ne voulait pas dans l'assiette de ce dernier. Papa était furieux, et, après le départ des invités, il a décidé que Granny prendrait ses repas toute seule dans sa chambre. Mais maman  n'en pouvait plus des problèmes  qu'elle posait. Mon père, son frère et ses deux soeurs ont donc décidé de la mettre dans une maison de retraite tenue par des soeurs qui elles, ne se laissaient pas faire ». Un beau matin, elles  l'ont trouvé endormie du dernier sommeil. Elle avait 80 ans ».

« Je sais  qu'elle  n'avait pas eu la vie facile. Elle  s'était mariée avec mon grand-père Moreau veuf avec cinq enfants.  L'aînée de ses belles filles était presque plus âgée qu'elle ! Ce grand-père était médecin et lorsque ses patients ne pouvaient pas le payer, il laissait  un billet sur la cheminée pour payer les médicaments ». Le résultat est que  lorsqu'il est mort, ma pauvre Granny  n'avait plus un sou. Pour élever ses quatre enfants elle a donc dû travailler, ce qui ne se faisait pas ».

 

Charles Moreau, autre petit-fils reprend le fil de ses souvenirs .

 

« Pour élever ses enfants (7), elle entra comme professeur dans un cours tourangeau tenue par Amicie Mauduyt de la Grève, cousine par sa mère. Elle devint ensuite précepteur des enfants  d'un banquier anglais M. Tiax à Chislehurst, dans la banlieue de Londres. A la guerre elle revint en France. Elle  s'installe à Bléré chez son fils Pierre partit aux armées et... régente la maison! A son retour, son fils lui fait comprendre  qu'elle serait mieux chez elle, et elle vivra à Tours, jusqu'à ce que, après être allée de  l'un à  l'autre de ses enfants, elle finisse ses jours dans une maison de retraite, voûtée, brisée par les rhumatismes, sur une chaise roulante. Elle décède le 23 décembre 1936, en son domicile 5 rue de Fontenay à Chatillon-sous-Bagneux ».

 

« Très 18 ème siècle, d'une distinction raffinée, toujours droite comme un « i »jusqu'à ce que  l'âge la cassât, l'exigeant à table notamment de ses petits enfants, elle était petite, fine, vive et merveilleusement autoritaire. Sa méthode d'éducation était faite d'un mélange de rappels moralisateurs où la destinée quasi divine des « Moreau de Chatellerault » tenait une grande part du rappel de sa propre éducation chez l'exceptionnelle mademoiselle Boffinet de Poitiers. Les punitions  n'étaient jamais en rapport avec la gravité de la  faute. Du coup pour certains elles perdaient toute valeur éducative ».

« Elle a fait de ses enfants, au prix de grands sacrifices, au milieu des pires difficultés, des hommes et des femmes « de devoir » comme elle le disait, des chefs de famille qui ont su faire face et inculquer une tradition. Renée sa fille, devenue Maguin fut le chef de la sienne ».

 

 


(1) Charles René Marie Moreau avait épousé le 14 février  1860 aux Ormes commune dépendant du canton de Dangé dans le département de la Vienne, Marie Juliette Charpentier. Cette dernière était née le 5 mai 1838 à Elboeuf-sur-Seine département de la Seine appelée à l'époque « Inférieure ». Elle était la fille légitime de Jean-Baptiste Charpentier propriétaire et de dame Léonide Marquet son épouse tous deux domiciliés à cette époque aux Ormes.

(2) Cinq enfants sont nés de ce premier  mariage: Henriette religieuse au Sacré-cœur, Isabelle mariée à M. Georget, Marie mariée à L. Thoret, Alice mariée à J. Bouchitté et Joseph célibataire.

(3) Cette maison deviendra par la suite la Bourse du Travail.

(4) Il sera co-fondateur de  l'Association « Défense des Religieux Anciens Combattants » DRAC 1914-1918.

(5) Portrait de famille, nouvelles, poèmes par Charles Marie Ours Moreau - édité à Nantes en1992.

(6) Souvenirs de Françoise Agnez née Moreau sa petite fille.

(7) Pierre Moreau décède à Chatellerault le 7 février 1890 d'une rougeole ou d'une épidémie d'influenza contractée au chevet d'un malade.