"Il y a une grande exploitation qui, si elle était sur un pied moins magnifique, rendrait plus de services au pays. Les plus belles races bovines y sont réunies aux mérinos les plus fins du canton. La culture y est variée, soignée; cependant, à tort ou à raison, quand pour stimuler les cultivateurs on leur parle de Thoury, ils répondent: - Ah, Thoury ! Thoury ! faites moi millionnaire et je ferai ce qu'on fait à Thoury -.

Je dirai qu'il y a bien des millionnaires qui ne le font pas; que c'est un immense avantage pour une commune que d'avoir sous les yeux une ferme expérimentale où se font des essais de toute nature dont chacun peut profiter, où se trouvent les instruments aratoires les plus perfectionnés, les méthodes de culture les plus variées, et qu'il y aurait un véritable aveuglement, j'ai failli dire une véritable ingratitude, à ne pas reconnaître les bienfaits d'une telle exploitation.

La terre de Thoury ne répond pas toujours à l'attente du cultivateur qui fait pour elle de notables sacrifices; mais du moins, je le répète, les expériences profitent à tous aussitôt qu'elles profitent au propriétaire de ce bel établissement.


Tout est médiocre à Nargis, excepté ses deux moulins; les bonnes terres n'y produisent pas plus de 5fr. l'arpent, les vignes, déduction faites des fais, ne valent pas mieux; les prés ne peuvent pas être portés au-delà de 25 F. Les bois, malgré leur position avantageuse, viennent si mal qu'on les vend à peine assez cher pour en retirer un revenu de 12 F. par feuille.

 

Le moulin de Nançay appelé également de Toury



Le château de Thoury est situé sur la côte qui domine le canal et la vallée du Loing. On y remarque les fleurs les plus rares, les jardins les mieux entretenus, et ce qui l'emporte sur tous ces avantages, un maître qui, faisant un honorable emploi de sa fortune, se plait à propager et à répandre autour de lui tout ce que ses goûts d'horticulture et d'agronomie le portent à réunir dans ce beau domaine de Thoury."
 

Quelques beaux spécimen plantés au 19ème siècle

 

Voici le jugement que fait de lui et de son domaine le Comice agricole de Montargis:

"Trois cent soixante arpents (1) de terres labourables, portion en terre franche, portion en terre dite grouettes (2), toutes depuis longtemps dépouillées d'humus par la culture épuisante adoptée dans le pays, soumis depuis quelques années par Monsieur Lemesle aux assolements alternés, portent annuellement 93 arpents de prairies artificielles, 55 à pâtures, 20 arpents de racines fumées à quinze ou seize voitures à trois chevaux; 21 arpents de fourragères, 116 de grains de mars; 55 de blé sur racines ou fourragères, fumées comme les dernières, et sur défrichis de prairies artificielles pareillement fumées.

Ces cultures, avec l'aide de 70 arpents de pré, nourrissent sept cents bêtes à laine, seize vaches, dix élèves bovines, seize boeufs, neuf chevaux et plusieurs cochons, à peu près l'équivalent d'une tête de gros bétail pour trois arpents de terres exploitées.

Aux fumiers produits par ces animaux se joignent des composts, des sangs de boucherie, des os, des chiffons de laine, des cadavres d'animaux amenés par la chaux à l'état d'engrais, qui ensemble fument par an 14 ou 15 arpents. Nous avons admiré chez Monsieur Lemesle l'art et le soin avec lequel il rassemble et compose ces engrais divers. Dans le lieu parfaitement disposé qui sert au dépôt des fumiers d'étables, un réservoir recueille les eaux de ces fumiers, qui sont ensuite conduites sur les terres et les prairies artificielles.

De riches récoltes de fourrages et de racines ont permis à Monsieur Lemesle de substituer à la petite race des bestiaux du pays de grandes races anglaises et suisses, qui chez lui ont conservé leurs avantages et leur santé, et ont donné de magnifiques élèves. Les cochons eux-mêmes se font remarquer au milieu de ce choix de beaux animaux... Dans cette exploitation on oublie aisément les ressources qu'une grande fortune a fournies au propriétaire pour ne songer qu'à l'intelligence du cultivateur."

Un texte plein d'éloges pour cette grande propriété et pour son propriétaire.


(1) Un hectare métrique équivaut à 2 arpents 36 perches 9/10 mesure locale. La propriété de Monsieur Lemesle, réservée à la culture, avait une superficie d'environ 150 hectares.
(2) Terres de petite qualité.