PREMIERS TROUBLES

 

Le 7 mars 1790, la nouvelle municipalité prête "serment de fidélité à la Nation, à la Loy et au Roy", jure de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale. Le curé en fait de même.
Le maire procède alors à l'appel nominal de tous les citoyens pour faire ce même serment. Vingt paroissiens manquent à l'appel ou n'ont pas voulu s'y trouver. Ils sont immédiatement rayés "pour toujours" du nombre des citoyens actifs et exclus de toute assemblée. A l'issue de cette cérémonie, le curé entonne un Te Deum.

Alors qu'à Nargis, la période révolutionnaire ne se passe pas trop mal, c'est-à-dire sans effusion de sang, un quidam met la commune en émoi.

Le 12 juin 1790, le seigneur de Toury, s'adresse aux paroissiens de Nargis(1).

" Messieurs et chers concitoyens,

Il y a quatorze ans que j'ai le bonheur de vivre parmi vous; je n'ai jamais été témoin que d'actions louables et honnêtes de votre part; tant que vous n'écouterez que les impulsions de vos coeurs, je vous connais trop bien, pour douter de vos sentiments pleins d'honneur et d'humanité.
Il m'est peut-être aussi permis de mon côté de me glorifier des témoignages d'estime et d'attachement que vous m'avez toujours donnés; ce sont là, les titres les plus flatteurs pour ma famille et pour moi; le suffrage des concitoyens vertueux est le plus bel éloge qu'on puisse obtenir ".

Monsieur de Portelance, seigneur du château de Toury, relate alors qu'en 1776, le curé de Nargis, un certain Midou, appelé à d'autres fonctions(2), fut remplacé par Messire Rémi à la suite d'une démarche que fit Madame de Portelance auprès du cardinal de Luynes, archevêque de Sens.

En ce temps là, le châtelain de Toury n'avait à l'église qu'un banc qui "quoiqu'il nous ait été vendu, pouvait être l'objet d'une contestation". Aussi, décida-t-il d'abandonner ses prétentions. Mais les paroissiens ne voulurent pas être en reste avec le châtelain, et pour le remercier de son appui dans la nomination du curé Rémi, ils le prièrent de choisir un autre emplacement dans l'église.

" Après y avoir un peu rêvé " dit Monsieur de Portelance, " j'imaginais de faire élever une tribune au-dessus de la porte principale de la chapelle. Cette tribune ne priverait les paroissiens d'aucun emplacement; élevée en l'air elle n'occuperait aucune place sur le sol même; loin d'être incommode et d'attaquer aucune propriété, elle existerait presque comme si elle n'existait pas. Elle paraîtrait l'attente d'un buffet d'orgues. Elle ne contribuerait enfin qu'à l'embellissement de l'église ".

La tribune fut donc installée, mais le curé Rémi mourut avant d'avoir fait sanctionner par des actes authentiques, la concession que la paroisse avait faite au châtelain(3).

Ce défaut de formalités fut prétexte au curé suivant ("dont le nom n'est pas mentionné et dont le plus grand éloge qu'on puisse en faire est de n'en parler jamais (4)") pour signaler aux paroissiens que Monsieur de Portelance n'avait aucun droit à l'occupation de cette tribune. Vexé, le châtelain fit enlever la tribune et attendit.

Ce fut le syndic d'alors, Jean Delaporte et les notables qui vinrent à Toury pour lui demander de la rétablir en lui promettant de signer par-devant notaire l'acte de concession.

Monsieur de Portelance fut intraitable. Il ne voulut rien faire tant que le curé révolutionnaire avant l'heure, serait en place. Il attendit donc une occasion plus favorable.

 


(1) La Flèche de la Cléry août et septembre 1978.
(2) Il commet là une erreur de date. En effet Midou est curé à Nargis jusqu'à sa mort le 9 novembre 1779 et n'est remplacé qu' ensuite par le curé Rémi.
(3) Compte tenu des dates de décès des deux curés concernés (Rémi décède le 6 octobre 1781), il est permis d'estimer que la construction de cette tribune a eu lieu au cours des années 1780-1781.
(4) Il ne s'agit pas tout à fait du successeur du curé Rémi. Du 6 octobre 1781 au 3 mai 1782, en attente de nomination officielle, le curé Delaigne dessert la paroisse. Le curé "réactionnaire" est en fait Blanchard qui va officier jusqu'au 10 mai 1786.