Quatre années passèrent avant que l'église de Nargis ne fut dotée d'un nouveau curé(1). Ce dernier vint donc trouver Monsieur de Portelance pour lui dire qu'il était d'accord avec les paroissiens et le prier de remettre cette tribune, objet de tant de contestations et de chicanes.

Et c'est ainsi, que Monsieur de Portelance, poursuit dans son discours aux paroissiens de Nargis :

" La tribune fut donc rétablie ! Que de témoignages de joie ne me donnâtes-vous pas, le jour que ma famille et moi nous en prîmes possession, comme pour la première fois ".

L'année suivante, en 1787, en reconnaissance, le châtelain de Toury offrait à la paroisse un banc d'oeuvre dont elle avait le plus grand besoin.

Tout allait parfaitement bien; mais un jour de 1790, Monsieur de Portelance apprit que la serrure de la porte conduisant à sa tribune avait été forcée et, " qu'un quidam qui marche dans les ténèbres, n'ayant de courage que pour l'iniquité et, le front couvert de la lèpre de tous les vices, va, dit-on, solliciter tous ceux qu'il espère séduire; il les engage à s'emparer de cette tribune comme étant, selon lui, commune à tout le monde, oubliant, et l'authenticité de tous vos actes et les décrets de l'Assemblée Nationale qui enjoignent formellement aux municipalités de faire respecter toutes les propriétés".


Le quidam dont on ne saura jamais le nom(2), profite de toutes les occasions et particulièrement des absences à l'église du châtelain pour monter ses concitoyens contre ce qu'il considère comme un privilège abusif. Il veut que le châtelain abandonne sa tribune et en ôte ses armes, alors que les paroissiens ont consenti eux-mêmes à ce qu'elles fussent placées, non seulement sur la tribune, mais sur le banc d'oeuvre.

Naturellement, Monsieur de Portelance ne veut rien céder et il ajoute: " On vous a dit, pour mieux vous tromper: - mais cette tribune est vide ! - . Quoi ? parce que je suis absent de ma maison, parce que ma maison n'est pas occupée " s'ensuit-il, " qu'elle cesse de m'appartenir ? Quant aux armoiries, c'est comme une enseigne; tout le monde peut en avoir ! ".


Et il reproche au quidam, contre qui il porte plainte, de faire entendre aux personnes simples, que des armoiries sont une prérogative immense à laquelle sont attachés les droits les plus étendus.

" Oh ! sans doute, s'il en était ainsi, toutes les armoiries devraient être supprimées dans ces moments fortunés, où le despotisme abattu a fait tomber tous les privilèges.Mais quels privilèges sont attachés aux armoiries ? Aucun! Qu'il y ait dans mon cachet un aigle ou un âne, je n'en paierai pas moins, comme bon citoyen, ma part d'imposition ".

Puis, vantant les mérites du maire élu par les assemblées paroissiales et primaires auxquelles il n'a pas assisté, le châtelain rappelle qu'à Toury, sa femme et sa fille ont toujours donné assistance aux pauvres et aux malheureux. Et, il termine:
" C'est donc à vous, mes chers concitoyens, d'être les défenseurs et des moeurs et des propriétés. Je demande que vous vous réunissiez à moi, pour la source de l'insurrection commise dans ma tribune.
J'en demande justice pour décharger de tous soupçons les habitants de Nargis qui sont incapables de violer le droit des gens. Espérons de voir renaître le siècle de la candeur et de la véritable philosophie ".

 


(1) Il s'agit du curé Duparc, qui séjourne dans la paroisse du 29 juin 1786 au 20 décembre 1788.
(2) "Dix-neuf témoins ont été entendus qui tous, ainsi que trois autres qu'on devait entendre, ont révélé les mauvaises intentions du quidam qui n'est que trop connu; mais il faut savoir à la louange des paroissiens de Nargis, il n'en est presque pas un qui, en désignant le quidam comme seul coupable, n'ait gémi au scandale que ses manoeuvres ont causé.
On désira à Nargis une milice nationale. On assure qu'il n'est pas de basses intrigues que le quidam n'ait employées pour empêcher qu'elle ne s'établit, surtout lorsqu'il a appris, que d'une voix unanime, sa commune avait choisi Monsieur de Portelance pour colonel.
Tous ses efforts ont été impuissants; on força Monsieur de Portelance d'accepter le commandement". Manuscrit MS 80 Charron. Bibliothèque Durzy.