L'agent rappelle les "trames et perfidies du tyran Capet, les débauches de ce monstre couronné" et l'insurrection du 20 juin, destinée à "chasser d'un trône souillé par le crime, le plus odieux et vil des tyrans". Il lit ensuite l'adresse suivie des 228 signatures.

Le jugement est sévère. François Marie Bizot, ingénieur et maire de Montargis en 1792, Jean François Jullien, notable, chirurgien, officier municipal, Marie Joseph Hypolite Pelée de Varennes, Receveur des finances etc... sont traduits devant le Tribunal Révolutionnaire de Paris dont Fouquier- Tinville est l'accusateur. Jugés comme conspirateurs ils sont guillotinés le 7 avril 1794.

L'article 2 du jugement stipule que les noms des 31 "individus qui ont signé l'adresse avec les qualifications seront mis en état d'arrestation dans la maison d'arrêt de Montargis, pour y être gardés jusqu'à la paix comme suspects et indiqués par les pièces justificatives comme pouvant être dangereux".
Parmi ces 31 dangereux individus se trouvait notre curé Guéneau. Pourtant, le plus dangereux était bien cet exalté de Léfiot, représentant du peuple.

Les autres personnes signataires seront sermonnées et il leur est rappelé qu'au premier acte d'incivisme, "la guillotine saura faire une prompte et éclatante justice ". Nul doute qu'avec une telle mise en garde il devenait sage d'engager sa signature avec parcimonie et bon escient.

Notre ex-curé de Nargis, puisqu'il était depuis plus d'un an à Auxy, se retrouva à l'aube de ce printemps 1794 à la maison d'arrêt de Montargis. Il y est rejoint un mois après l'ex-curé de Préfontaines Demetz, dépourvu de certificat de civisme, Pasquet, curé de Treilles, suspect par ses opinions fanatiques. Sa détention n'aura été certainement que de courte durée. Les terroristes qui régnaient sur le Montargois sont arrêtés le 19 juillet 1794. La convention thermidorienne et le nouveau représentant du peuple élargirent les détenus.
Le 22 octobre 1794, Brival recommande de délivrer des certificats de civisme à ceux qui ont signé la "trop fameuse lettre à Capet; ils ont suffisamment expié leur faute qui peut-être même le fruit de l'erreur".

Libéré et nanti de son certificat de civisme, Guéneau a peut-être retrouvé une vie plus paisible après ces tumultueux moments .

Guéneau avait quitté Nargis le 26 octobre 1792 pour Auxy. Quelques offices furent assurés par des curés voisins et par Claude Jacquinet desservant.

Avant la célébration de la messe paroissiale du 25 novembre, il monte en chaire (1), où il fait lecture de l'extrait du procès-verbal de l'assemblée électorale du District en date du 21 novembre 1792, an I de la République.

" Et de suite procédant à l'élection du curé de la paroisse de Nargis, le dépouillement fait et recueilli, le citoyen Claude Jacquinet, desservant actuel, ayant réuni la majorité absolue, et sur 56 votants, ayant eu 53 voix, a été proclamé curé de cette paroisse ".

A la suite des signatures des présidents, scrutateurs et secrétaire suit l'acceptation du citoyen Jacquinet. Et le dimanche 25 novembre 1792, à huit heures du matin, avant la messe paroissiale en l'église de Montargis, le président de l'assemblée électorale du district, Charier, proclame Claude Jacquinet, curé de Nargis. Il fait immédiatement lecture de l'institution canonique que lui a accordée le citoyen évêque, Louis François Alexandre Jarente. Aussitôt, Jacquinet prononce à haute et intelligible voix son serment: " Je jure d'être fidel à la nation, de maintenir de tout mon pouvoir la liberté et l'égalité, et de mourir à mon poste en les défendant ".

Après avoir lu en ce 9 décembre 1792 ces différents actes, le nouveau curé s'installe à Nargis. Il restera peu de temps, et sera nommé aux fonctions de ministre du culte à Château-Landon le 24 messidor an III.
 


(1) Annales du Gâtinais n° 6 année 1888 pages 146 à 163. Eloge funèbre de Mirabeau par le Docteur Denizet.