Nous déjeunons sur place, puis remontons vers Ouargla par l'ancienne piste. Nous arrivons à un ancien bordj ensablé (Hassi Inifel). Nous y pénétrons par le toit, seule issue possible dans cette montagne de sable et y faisons une petite sieste, sous la garde de deux croix métalliques qui marquent les tombes de deux méharistes morts dans ce bordj en 1912... je crois. Puis nous repartons.


Le soleil descend doucement à l'horizon, la chaleur se fait moins lourde. Il nous faut chercher un endroit pour camper cette nuit. Il nous faut trouver une petite hauteur. Les bas-fonds sont malsains au Sahara : un orage brutal et nous risquons d'être noyés ! L'accident survenu sur la piste nous rend prudents.
Nos voitures nous mènent donc au faîte d'une petite dune... et nous sommes absolument étonnés : là-bas, un peu plus loin, à 700 mètres à peine de notre "chambre à coucher", s'étale un petit lac entouré de verdure et de fleurs, tandis que, de l'horizon, le soleil inonde ce décor d'une lumière rougeoyante ! Spectacle féerique ! Je n'ai pas pensé à prendre d'appareil photo, mais M. Auriol filme en couleur, à longueur de bobine.


Nous en profitons pour faire un brin de toilette dans cette eau rafraîchie par l'évaporation intense, après avoir renouvelé notre stock d'eau potable. Enfin... souhaitons qu'elle le soit !


Le dîner est merveilleux dans ce décor ! Les brochettes sont à peu près cuites à point et le couscous contient presque autant de sable que de poivre. Nous nous régalons, car nous avons faim et le spectacle offert à nos yeux (les dunes rouges se mirant dans l'eau bleue) nous absorbe au point de nous faire oublier ces petits inconvénients !


Le thé à la menthe est délicieux et nous nous endormons sur la dune, sous un ciel "bleu de Prusse" où scintillent des millions d'étoiles (je n'en ai jamais vu autant) et où passent des dizaines d'étoiles filantes.
Un calme, un silence impressionnant nous entoure, nous environne et nous écrase aussi, nous étouffe un peu. Quelle sensation de petitesse dans cet infini du sable et du ciel ; quelle solitude ! Puis le vent de la nuit se lève peu à peu, tout doucement, et le désert se met à murmurer, à ronfler, à rugir... "Les Djenoun" !, murmurent nos deux guides musulmans... ce qui ne nous empêche pas de dormir à poings fermés dans les minutes qui suivent car nous sommes ravis de notre journée, mais absolument fourbus !
Le soleil, ou plutôt les mouches, nous réveillent car elles sont toujours là, à 300 kilomètres de toute habitation, sortant d'on ne sait où, toujours présentes dès que nous nous arrêtons de rouler, nous faisant évoquer le mythe de la génération spontanée !


Toilette dans notre petit lac enchâssé de fleurs, photos, petit déjeuner rapide et nous prenons la route du retour, par le chemin des écoliers, remontant le cours incertain de l'oued Mia (l'oued aux cents affluents), vallée sèche, bordée de tamaris et de pistachiers qui portent dans leurs branches les traces des crues aussi rares qu'imprévisibles de cet oued fantôme, sous forme d'épaves diverses (nous y avons trouvé un châssis de croisée, sans ses vitres, bien entendu ! ).


A l'ombre d'un énorme pistachier, nous dressons la table pour déjeuner sur la rive de cet oued desséché ! Et, une fois encore, le Sahara nous offre un spectacle extraordinaire !


Suivant le tracé de l'oued, trois trombes (1) sont passées, à nous toucher, l'une après l'autre, aspirant vers le ciel un entonnoir de sable, de cailloux, de brindilles... que M. Paul Auriol filme imperturbablement.
Au bord d'une flaque d'eau, tout près de là, j'ai trouvé un petit crustacé creusant la boue. Dans un flacon, je l'ai ramené à El-Goléa. Il était mort à l'arrivée, mais au fond du flacon il y avait quatre petites sphères blanches que j'ai d'abord prises pour des grains de couscous... et qui, en fait, étaient quatre oeufs !
J'avais dérangé le cycle ! Ma bestiole creusait un nid pour y pondre... afin que ces oeufs attendent le prochain orage (dans 3 mois... dans 5 ans... quelle importance ?) pour assurer la perpétuation de l'espèce !


Qui dois-je admirer le plus : mon vieil aveugle qui, après 70 ans, se souvient d'un paysage qu'il ne peut plus voir, ou ma petite bestiole qui sait que l'eau reviendra un jour, lui permettant de revivre dans sa future progéniture ?


 


(1) Ce phénomène météorologique est assez banal au Sahara, provoqué par les différences de température entre couches d'air.