Et puis, nous avons eu le rallye automobile Alger-Le Cap avec une équipe française très homogène dans laquelle figurait un médecin capitaine de mes amis.


Quel remue-ménage dans la palmeraie ! Les voitures arrivaient, passaient au contrôle, puis les pilotes se mettaient à table après une douche bienfaisante. Nous avons vu arriver une voiture radio déployant une immense antenne télescopique sur la place du bordj, afin de maintenir le contact direct avec Paris.
Ils (les pilotes) ont eu droit au circuit touristique classique d'El-Goléa, nous officiers en poste, leur servant de guides : visite du vieux Ksar (forteresse berbère bâtie sur une petite colline dominant toute la palmeraie), visite-pélerinage au tombeau du Père de Foucauld et enfin visite rapide de Buffalo-Bordj, sorte de ferme fortifiée construite par le colonel Augieras (ancien officier topographe de l'Armée) qu'il avait partiellement transformée en musée africain : salle préhistorique, salle de la chasse aux magnifiques trophées. Un détail original à signaler : l'éclairage de ces salles se faisait uniquement par des bouteilles diversement colorées, qui étaient encastrées dans les murs. Cela faisait un effet assez curieux, mais avait surtout le grand mérite de s'opposer à toute intrusion de sable quand la porte était fermée et ce n'est pas un luxe pour qui connaît la façon insidieuse qu'a le vent de sable de pénétrer partout... même dans un réfrigérateur fermé.


Le lendemain, tout le monde repartit en direction d'In-Salah (480 kilomètres) et Tamanrasset (1.200 kilomètres). La piste, tout au long du parcours, étant régulièrement jalonnée par un camion radio militaire afin d'assurer la sécurité des concurrents et, surtout, de contrôler qu'aucun d'entre eux ne s'était égaré.
 

Tombe du Père de Foucault (son coeur est à Tamanrasset)

 

Un équipage à part dans ce rallye : deux femmes à bord d'une coccinelle Volkswagen, sans préparation particulière, faisant confiance aux pilotes masculins pour leur changer éventuellement une roue, ce qu'elles ne savaient pas faire. Elles ont suivi la meute jusqu'au bout (1).
Et grâce à mon poste radio à piles, j'ai suivi le rallye jusqu'à Johannesburg, ayant pris la précaution de demander à l'opérateur radio la longueur d'onde leur permettant de contacter Paris... et les heures de vacation. De sorte que nous, à El-Goléa où le journal ne se donnait même plus la peine d'arriver tant il avait vieilli en route, nous avions chaque soir des nouvelles du rallye et, surtout, de notre équipe tricolore. Elle n'a pas gagné, mais son classement fut tout à fait honorable.
L'année suivante, nous étions sur le pied de guerre un certain soir. La radio nous avait en effet annoncé le passage, dans la nuit, de la Delahaye 235 conduite par le colonel Crespin qui s'attaquait au record Le Cap-Alger-Paris.
Nous nous sentions quelque peu fébriles au coucher du soleil. La Delahaye était toujours "dans les temps" du record, mais chaque heure qui passait nous semblait lourde de menaces.
Enfin, la voici ! La voiture est poussée dans le garage de la compagnie saharienne du génie, puis sur la fosse et les mécaniciens essayent de réparer un peu la voiture malmenée par la piste, mais encore en bonne forme. Quelques boulons à resserrer, quelques points de soudure aux points d'attache des amortisseur et quelques autres vérifications mineures. Pendant ce temps, nous conduisons le pilote et le co-pilote (j'ai parfaitement oublié son nom) chez l'adjoint du chef d'Annexe (capitaine Sartin) dont la maison est toute proche du garage.
Nous sommes tous là pour accueillir nos deux héros, les réconforter et les laisser se reposer un peu avant la dernière étape : Alger, à 1 200 kilomètres.


Un bilan rapide me permet de constater que les deux pilotes sont en très bonne forme, quoi que fatigués et, après quelques conseils, quelques petits reconstituants, je les déclare "bons" pour la dernière étape : à cette époque, le contrôle anti-doping n'existait pas encore, heureusement.  Ghardaïa nous a signalé leur passage, puis Laghouat, puis Djelfa et enfin Alger, dans les temps prévus. Record battu, ou en bonne voie à ce stade, le reste du parcours ne posant plus de problème majeur. Nous avons tous sablé le champagne, comme si nous y étions pour quelque chose.   


(1) A l'époque il existait des lois formelles au Sahara, et l'une d'elles spécifiait que TOUT véhicule devait s'arrêter près d'un autre en panne et demander au moins si les passagers avaient besoin d'aide... même dans un rallye !