Munis d'un maigre viatique qui nous permet de faire le plein du réservoir, nous nous arrêtons peu après dans une petite auberge : pain, beurre, café et le confort d'une salle d'eau gratuite ! Toilette rapide, mais agréable, et nous prenons la route de Pampelune, puis d'Irun où nous arrivons à midi.


Personne au pont international, comme par miracle. Arrêt au premier bureau de change qui convertit nos pesetas en francs... et vive la route des Landes. Nos estomacs crient famine. Nous achetons deux paquets de biscuits et une bouteille de boisson gazeuse que je débarrasse de sa capsule pour y mettre un bouchon, et nous repartons. La bouteille dépasse de la boîte à gants, mais pas pour longtemps. La chaleur et les cahots de la route réveillent les bulles qui n'ont aucun mal à faire sauter le bouchon, nous aspergeant généreusement d'un liquide douceâtre et sucré, dont les mouches ont vite fait de repérer la présence. Nous nous arrêtons à une fontaine pour nous débarrasser de cette limonade qui nous poisse le visage et les mains. Les mouches battent en retraite et, en fin de journée, vers vingt-deux heures, nous arrivons à Blois où toute la famille nous attend chez un vieil oncle de ma femme. Dîner ultra rapide et dodo !


Le lendemain matin, je trouve un garage pour réviser ma voiture : vidange, graissage et, surtout changer le pot d'échappement quelque peu malmené lors de l'incident de parcours survenu avant Bou Arfa et notre passage acrobatique de l'oued. A midi, déjeuner à l'hôtel à l'invitation de notre oncle. Ma fille Martine a quelque peine à retrouver ses esprits. "J'ai le cou courbaturé" ne cesse-t-elle de répéter à sa mère qui tente de la sortir du lit.


Ma femme, ma fille et moi reprenons la route pour Beaune la Rolande, dans le Loiret, où nous attend un jeune médecin barbu qui cherche à vendre sa clientèle, le docteur Chavanne. Et, quelques semaines plus tard, début août, je prends possession des lieux après un détour par Paris pour enregistrer dans les formes cette passation de pouvoir médical, chez un vieux médecin spécialisé dans ce genre de transaction.


C'est la fin d'une épopée, d'un immense espoir déçu, d'aventures imprévues au retour. Mais j'ai retrouvé ma raison d'être et de vivre, malgré les déceptions et les embûches : je redeviens médecin généraliste. Je vais enfin pouvoir souffler un peu et montrer à mes anciens amis de métropole (1) que cette aventure saharienne n'a pas entamé ma foi et mes capacités.
Mais c'est encore une autre histoire.
 


(1) Les "pieds-noirs", auxquels je suis faussement assimilé, n'étaient pas une référence à l'époque.