Jean-Baptiste Palleau et Pierre Picard, meuniers sur le Loing, côtoient
les éclusiers François Deloince, Etienne Nigon, Nicolas Oudin, et les
contrôleurs du canal, Jean-Etienne Monnay, Louis Savary.
Charles Pommier, le berger, rencontrant Claude-Pierre Oudin à l'écluse de
Nargis, parlant de tout et de rien comme on sait si bien le faire à la
campagne, a laissé ses moutons divaguer dans la prairie qui appartient à
Monsieur le Duc d'Orléans (Louis Philippe Joseph, futur Egalité). Quelques
futures précieuses récoltes d'herbes sont endommagées. Germain Lamy, le
garde, le réprimande, menaçant de prévenir Monsieur Monnay chargé de la
protection des biens et intérêts de Monseigneur.
Guéneau le curé et son fossoyeur-sonneur Pierre Gourdet,
font une visite au cimetière qui jouxte l'église. On s'interroge sur sa
suffisance, veille à son entretien et sur l'état du mur d'enceinte où
quelques trous sont à boucher.
Tous ces habitants font de Nargis un bourg de quelques 200 âmes, vivant
bien à l'abri des tourments de l'époque. Pas le moindre prémice de
désordre. Seuls des soucis habituels. Le quotidien. Rien de bien important
semble-t-il.
Aux champs les manoeuvres s'emploient activement. Ils sont nombreux ces
manouvriers à travailler pour les autres, à se louer: Jean Delouche,
Jacques Bellamy, Etienne Lemaire, Pierre Morisseau, Jean Picard le jeune,
Philippe Rodde, Georges Timbert et tant d'autres. Disposent-ils de
quelques avances? Ils se font fermiers ou métayers. Sont-ils dépourvus de
tout bien ? Ils se font journaliers ou domestiques travaillant pour les
laboureurs, qui, eux-mêmes s'activent pour leur propre compte et celui des
seigneurs locaux.
Ces derniers , à la veille du grand soulèvement parisien, vivent dans
leurs " châteaux ", au milieu de cette population rurale. Ils
louent leurs propriétés par parcelles à de petits paysans suivant des
contrats de fermage ou de métayage.
La famille de Courcenay est à Cornou en proie avec ses problèmes
familiaux; Messire Lefèbvre à Pithurin, savoure paisiblement sa retraite
de Conseiller du Roi à la Cour des Monnaies .
Charles Louis de Portelance seigneur de Toury et poète, médite sur
l'insuccès populaire de sa tragédie Antipater (1)
et lutte pour sauvegarder ses derniers droits seigneuriaux qu'un quidam
semble vouloir lui contester. Quelques années plus tôt, ce mécréant aurait
fini dans un cul de basse fosse; mais ce temps est si lointain. Maintenant
la tolérance semble être de mise.
L'ensemble de la population vit chichement. Ainsi, Pierre Gourdet, qui
demeure à la maison du Pont, travaille un peu le bois, aide le curé comme
sonneur et fossoyeur. Veuf, il fait son inventaire dans le but de se
remarier. On va vivre, certes ensemble, mais à chacun ses biens. On trouve
ainsi énumérés, la traditionnelle garniture du foyer ( deux chenets avec
barre dessus, une pelle, des pincettes) deux pelles de four, une maie à
pétrir en chêne et une vieille maie de sapin, un établi à menuiserie, avec
valet, deux varlopes, deux ciseaux et un vilebrequin, un vieux châlit fait
à la serpe garni de ses rideaux en laine, de deux lits de grosse plume et
deux traversins. Rien d'un inventaire de châtelain.
Il recense également quatre draps de grande taille, une nappe et une
serviette, deux cottes, deux tabliers, trois paires de garnitures et une
croix d'argent. Six futailles, trois chaudrons, trois poêlons, écumoire,
cuillers, poteries et étains figurent à l'inventaire avec trente livres de
ferraille, faux, pique, dressoir, cuvier, masse et " autre outy de
vandange ".
Le prix de la paille, fourrage, grain avoine, bois est estimé à 32 livres.
Pierre Gourdet a noté ses dettes passives: 100 livres à Jean Demars, 30
livres à Nicolas Gérard et 15 livres à son meunier.
L'estimation de ses biens ne laisse subsister qu'un solde d'environ 150
livres. On vit sans trop de problème certes, mais laborieusement.
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