DÉSORDRES COSAQUES

 

Par décret de l'Assemblée Nationale du 14 décembre 1789, les maires étaient élus par les citoyens actifs de la commune. Chacun de ces élus essaya, tant bien que mal, d'assumer ses fonctions avec l'aide de son conseil et de celui qui écrivait, le greffier, ancêtre du secrétaire de mairie.

Pourtant certains se sont fait remarquer par leur désinvolture administrative.

Le 16 avril 1810, sous le 1er Empire, le maire Randon de la Tour et son conseil municipal, se trouvent réunis, " à l'effet de vérifier et de constater l'état des registres, bulletin des lois et arrêtés délaissés par M. Vincent Nicolas, ci-devant Maire de cette commune,

"Avons trouvé, d'après les plus exactes recherches, qu'il manquoit beaucoup de bultins tant par sa faute ( puisqu'il étoit les trois quarts de l'année absent ) que par celle de M. Logette son adjoint, qui par négligence ou autrement n'auroit pas remis les dits bultins au bureau de la mairie;


Nous avons également trouvé en vérifiant les registres d'état civil qu'il manquoit trois registres des décès des années IV, V et VI de la République et qu'il n'y avoit point de registre pour constater les délibérations du conseil municipal, tous les papiers étant sans ordre et confondus ensemble moitié par terre et moitié sur une table.
C'est pourquoi nous avons vérifié les erreurs pour servir tant à notre justification qu'à celle de M. Randon de la Tour, maire actuel, en cas de réclamation".


Louis Dorothé Randon de la Tour, maire sérieux, vivait à Nargis séparé de biens de sa femme Emilie Hiver propriétaire de Toury. Il avait connu avec la population de Nargis l'occupation des troupes cosaques en 1814. Alors que les colonnes ennemies s'avançaient vers notre région, le commandant de Montargis fit sauter les ponts sur le Loing et sur le canal.

Le maire de Château-Landon adresse le 8 février 1814, un pli à son collègue de Puiseaux (1).

"Les Cosaques au nombre, dit-on, de 200 sont à Ferrières depuis hier. Le maire de Nargis a ordre de leur part de rétablir le pont: il s'y refuse d'après le commandant de Montargis. Je ne sais quel parti il prendra. Le commandant lui promet 25 hommes pour l'aider. J'ai envoyé cette nuit demander du secours à Nemours; on ne peut m'en donner. Voilà ce que je sais ".

François Philippe Durzy, chef de bataillon en retraite, écrit une lettre (2) à son neveu d'Orléans, Marie Pierre Henri, Conseiller à la Cour d'Appel d'Orléans:"....Nous n'avons pas fait d'expédition à Fontenay, mais une trentaine de braves gens de bonnes volontés, réunis aux garde-chasse et à quelques soldats ont été à Nargy de ce côté de la rivière, pour s'opposer au rétablissement du pont; il y a eu des coups de fusils de tiré, mais je crois sans effet. Le détachement était commandé par M. Bazin...."


Le maire de Bordeaux-les-Rouches(3) adresse le 11 février à 7 heures du matin, une dépêche à Puiseaux. " Les ponts de Nargis et de Souppes sont toujours rompus; plusieurs détonations de mousqueterie dans le lointain avaient fait croire que l'ennemi avait fait venir de l'artillerie pour balayer la défense et l'obliger à quitter ce côté-ci (4) ".

Effectivement ce 11 février, le pont est toujours détruit, mais l'ennemi passant par Souppes, fait rétablir un nouveau pont par les habitants réquisitionnés.

"Le maire de la commune de Fontenay, vieillard respectable par ses vertus publiques et privées, a été indignement traité et sa maison a été entièrement pillée. Celui de la commune de Nargis a éprouvé le même sort; ses meubles ont été brisés à coup de hache; la fuite seule a pu le soustraire à une mort certaine(5)".

Des cosaques furent " hébergés " chez l'habitant. Le hameau de la Loge fut détruit à cette époque (6).  Randon de la Tour se rendit impopulaire malgré son comportement audacieux face à l'ennemi, en retenant à plusieurs habitants les répartitions qui leur revenaient pour les derniers logements des troupes étrangères (7).

Il quitte Nargis en 1815, pour Vesoul où il est nommé receveur général du département de la Haute-Saône; il est remplacé par Placide Tondu, après un court intérim de Nicolas Oudin.
 


(1) Les Cosaques dans le Loiret par A.J.Dumesnil maire de Puiseaux - année 1880 -. Référence Bibliothèque Durzy L 1099.
(2) Manuscrit 379 - Bibliothèque Durzy.
(3) Par décret du 2 juillet 1921, Bordeaux prend le nom de Bordeaux-en-Gâtinais. Le nom de Bordeaux-les Rouches, qui apparaît en 1865 dans des actes émanant de la municipalité n'a jamais reçu de consécration officielle.
(4) C'est à dire, rive gauche de Loing.
(5) Lettre de Constant de Moras auditeur au Conseil d'Etat à son Excellence le Ministre de l'Intérieur, en date du 1er mars 1814. Cette lettre, rapportée par Mlle Fouché dans le bulletin de la Société d'Emulation n° 15 de juillet 1971, est parue dans le Journal de Paris n° 65 du 6 mars 1814.
(6) Il était situé en haut de Brisebarre, sur l'ancien chemin de Ferrières à Château-Landon, près de la Croix Quantine. Parfois appelé la Loge aux couteaux, il n'en reste plus aucun vestige. Peut-être pourrait-on y retrouver le puits qui existait ?
(7) MS 80 - Charron.