LE "TOUBIB SEGHIR"

 

J'étais à Adrar depuis quelques mois déjà et débordé de travail : l'hôpital, les visites à domicile, les tournées mensuelles dans les douars du Touat, disséminés tout au long de l'ancien oued Messaoud. Si cet oued ne coulait plus qu'en de rares occasions et de façon tout à fait intermittente, son lit, en profondeur, recelait un peu de cette eau sans laquelle rien ne vit ou ne pousse. Mon "champ d'action" s'étendait donc sur environ quatre cents kilomètres, de Sba à Reggane, au long de l'oued Messaoud, affluent de la Sahoura vers le nord, qu'il retrouvait après s'être perdu dans les sables.


En cette année 1956, qui avait vu débarquer les appelés du contingent en raison des événements d'Algérie, j'attendais un adjoint, le premier jamais affecté.


Et puis un jour, prévenu par radio, je récupère sur l'aérodrome un médecin militaire auxiliaire, jeune, brun, cheveux en brosse et parfaitement à l'aise : Le Dr Bourgeois. Signe du ciel ? Son prénom, tout comme le mien, est Guy. Les présentations vite faites furent très chaleureuses et bien arrosées par une anisette bien fraîche servie dans mon Palais.


A Adrar, comme partout au Sahara, le médecin est logé,  fort bien d'ailleurs. Il est en outre pourvu d'un boy-cuisinier-serveur, l'intendant de la maison en quelque sorte, inamovible et très compétent, suivant le rythme des changements de patrons tous les deux ou trois ans.


Mon logis comprend : une vaste entrée communiquant à gauche avec le salon-salle-à-manger qui évoque une cathédrale. Un énorme pilier central soutient quatre arches sous lesquelles se développe la salle de séjour. Les murs ont un mètre vingt d'épaisseur, le plafond en voûte a sept mètres de hauteur. Au fond, une cheminée monumentale surélevée de trois marches évoque je ne sais quel autel dédié à la Science. Les dimensions de ce rez-de-chaussée monumental sont de onze mètres sur quatorze, le pilier central limitant la salle à manger. Toutes les fenêtres sont à double vitrage.
 

L'hôpital

Cette immense salle communique par une porte avec l'office et la cuisine.


Une autre porte donne sur un patio couvert : un petit bassin avec jet d'eau donne un semblant de fraîcheur en été. Enfin, un peu plus loin, deux chambres, chacune avec salle de bain tout en carreaux de mosaïque noire.


Les dimensions n'ont rien à envier aux pièces à vivre : un lit de cent quarante de largeur y semble perdu. Quelques meubles remplissent bien incomplètement l'espace alentour.


Le hall d'entrée donne accès, sur la droite, à un couloir où se trouve mon bureau à main droite. La salle d'opération est à main gauche et une porte, au fond, donne directement accès à l'hôpital.